L’éloge de Voltaire, d’Émilien Roubaud

Publié le 27 mai 2021 par Fondation Voltaire

Finaliste du Concours international d’éloquence de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Émilien Roubaud, étudiant et futur avocat, a souhaité rendre hommage au plus ancien résident du Panthéon, sous la coupole duquel il se mesurait à sept autres finalistes le 25 mai 2021. La Fondation Voltaire, partenaire de l’événement, a tenu à publier cet éloge afin de le partager plus largement encore.

Comment pourrais-je en ce lieu honorer la mémoire d’un homme, sans faire l’éloge du plus ancien et du plus illustre personnage, qui repose ici pour l’éternité ?

Cher public, honorables membres du jury,
Il s’appelait François-Marie Arouet, dit Voltaire.

Il occupe en ce lieu une place singulière
Car c’est dans l’avant-crypte que repose Voltaire.

Avant de s’allonger tous ceux qui l’ont suivi
Ils se sont inclinés en passant devant lui.

C’est un homme de lettres à la plume aiguisée
Parlant avec faconde et musicalité.

Ironie de l’histoire, Rousseau, qu’il détestait,
Se retrouve face à lui, et doit le supporter.

Mesdames et Messieurs,

Parmi tous les combats voltairiens, si je ne devais en retenir que deux, ce seraient l’injustice et l’intolérance. Mais je trouverais juste que l’on évoquât d’abord son combat pour la liberté d’expression. « Je déteste vos idées, mais je me battrais jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer » : bien qu’il s’agisse d’une citation apocryphe, elle a le mérite de résumer la pensée voltairienne.

Pour éviter la censure, ce roturier qui aspirait à la haute société utilisera nombre de subterfuges pour répandre ses lumières, par-delà les frontières. Voltaire utilisera plus de 150 pseudonymes pour ensommeiller ses censeurs. Afin de faire passer ses idées hérétiques, il choisit subtilement sa résidence, à la frontière helvétique. Il profite ainsi de la liberté des imprimeurs, tout en restant à l’abri de ses vils contempteurs.

Convaincu qu’il peut changer le monde avec sa plume, Voltaire va s’impliquer corps et âme dans la défense de Jean Calas. Premier écrivain français, bien avant Zola, à combattre publiquement l’erreur judiciaire. Pour mémoire, Jean Calas, protestant, accusé par l’Église d’avoir assassiné son fils, parce qu’il souhaitait, selon elle, se convertir au catholicisme. Or son fils s’était en réalité suicidé par pendaison. Et c’est ainsi. Et c’est comme ça. C’était son choix. Voltaire voulait que tous ces faits éclatassent au grand jour. Car pour lui, il ne fait aucun doute que Jean Calas a été exécuté parce qu’il était protestant. Après trois années de combat, Voltaire réussira à faire annuler le jugement et à réhabiliter et le nom, et l’honneur de Jean Calas.

C’est à cette occasion qu’il écrira le Traité sur la tolérance, et qu’il fera sienne l’idée selon laquelle il vaut mieux cent coupables en liberté qu’un seul innocent en prison. Pour lui, dans le pays des libertés, en l’absence de preuves, il faut acquitter. Alors c’est peut-être un détail pour vous mais pour Voltaire ça veut dire beaucoup, car il s’est fait embastiller à deux reprises, sans preuves, sans débat, sans procès, victime de l’arbitraire et des lettres de cachet.

En outre, Voltaire combattra, contre vents et marées, l’intolérance religieuse. Mais attention, Voltaire ne fustige pas la religion : il est déiste, il croit en l’horloger du monde. Mais il vilipende le fanatisme et le dogmatisme religieux, lequel fait prévaloir : La superstition, sur la raison, la croyance, sur l’évidence. À la fin de ses correspondances, il signait « Ecr. l’inf. » qui était la contraction d’« Écrasez l’infâme ». L’infâme, c’était la superstition, celle qui aliène l’homme, en l’empêchant d’être libre.

Jusqu’à son dernier souffle, Voltaire restera un homme libre, en refusant l’extrême-onction du prêtre.

Il assuma le risque d’être jeté comme un chien
Dans la fosse commune ouverte aux non-chrétiens

Mais fort heureusement, la famille de Voltaire
Transféra son corps en l’Abbaye d’Sellières

Utilisant la ruse, évitant la capture
Pour rendre à son aïeul une digne sépulture

Alors, si ce soir le corps de Voltaire est avec nous, son esprit, lui, est partout.

Émilien ROUBAUD